Depuis 2006, la FNMR organise chaque année des audits informatiques publiés dans notre revue, dans les premières années axées sur les RIS et les PACS en alternance. Après s’être intéressé plus récemment à d’autres sujets (serveurs d’applications en 2015 et les systèmes intégrés RIS-PACS en 2016), la Fédération aborde un nouveau sujet qui dépasse largement la sphère informatique des audits antérieurs qui impacte l’organisationnel de nos structures d’imagerie, celui de la téléradiologie. Même si cet aspect technologique en fait partie intégrante, le modèle organisationnel et financier est essentiel à prendre en considération afin de ne pas dévaloriser l’acte d’imagerie et notre profession.

Dr Jean-Christophe Delesalle
Responsable de la Commission informatique de la FNMR

Cet audit a été publié dans la revue « Le Médecin Radiologue de France » N° 415 - juillet 2018

Nous n’aborderons pas la téléradiologie qui se fait en intersites au sein d’une même structure d’imagerie, ni celle qui se fait entre une structure demandeuse et une structure effectrice de « point à point », mais celle qui fait intervenir des sociétés commerciales qui offrent une prestation extérieure en mettant en lien le demandeur et l’effecteur. Les cinq sociétés auditées dans cette revue ont comme point commun d’avoir leur siège social en France, d’ambitionner de recruter des téléradiologues sur tout le territoire, et d’être susceptibles de répondre à des appels d’offres parfois très distants géographiquement de leur siège et en provenance quasi exclusive du secteur public. Or, à la FNMR, nous avons toujours voulu privilégier les acteurs de terrain proches des sites demandeurs, trop souvent étant marginalisés pour des raisons idéologiques ou d’incompatibilité locale, et parfois même pas informés des appels d’offres réservés à ces sociétés.

Ces deux dernières pratiques (point à point ou via des sociétés) sont censées respecter la charte de téléradiologie éditée par le G4 (Conseil National Professionnel de la Radiologie qui regroupe les quatre composantes représentatives de la profession à savoir la FNMR, la SFR, le CERF et le SRH) et cosignée par le CNOM. Cette charte dont la première version remonte à 2007 a été réactualisée en décembre 2014 et publiée en février 2015. Elle est adossée à un cahier des charges dont la 2ème version publiée en 2014 par le G4 précise les bonnes pratiques en matière de téléradiologie. Vous trouverez ces deux textes essentiels dans cette revue, même si une nouvelle version actualisée de la charte est en cours de rédaction par la commission téléradiologie de la SFR à laquelle participent des représentants de la FNMR.

La FNMR a tenté à plusieurs reprises à l’occasion des deux derniers PLFSS1 et de la dernière loi de modernisation du système de santé de 2016, d’inscrire cette charte dans le marbre législatif, un amendement dans ce sens ayant été adopté à chaque fois par le Sénat et la commission des affaire sociales de l’Assemblée nationale, mais toujours retoqué en deuxième lecture par cette dernière, semble-t-il sous la pression de ceux (demandeurs) qui avait le plus intérêt à ne pas respecter ces textes, laissant ainsi le champ ouvert à toutes les dérives.

Comme chaque année, nous avons contacté toutes les sociétés potentiellement concernées lors des JFR2 ou à leur décours immédiat. Leurs représentants m’ont exprimé tantôt leur enthousiasme, tantôt leurs réserves quant à leur participation. Le sujet étant à l’évidence sensible, certains se sont même permis de remettre en cause la légitimité de la FNMR pour réaliser cet audit.

Or, d’une part nous disposons d’une expertise réelle des audits radiologiques grâce à nos 12 ans d’expérience, expertise reconnue et plébiscitée par les témoignages de nos lecteurs chaque année, et d’autre part de nombreux radiologues libéraux se sont engagées dans cette aventure, soit en tant que créateur et dirigeant de telle société, soit en tant qu’effecteurs d’actes de téléradiologie, parfois en prenant des participations dans l’actionnariat des sociétés ou en intégrant leurs organes de gouvernance ou leur comité scientifique.

Face à cette résistance, prévisible, nous avons maintenu la démarche jusqu’au bout en argumentant notamment que l’absence de transparence était potentiellement délétère et exposait à tous les « bruits de couloir ». Nous avons ainsi réussi, grâce aussi à l’appui de radiologues libéraux téléradiologues adhérents FNMR et à notre implication dans la commission téléradiologie de la SFR, à convaincre l’ensemble des sociétés concernées par le périmètre de notre audit. Nous les en remercions.

Dans ces conditions, nous avons veillé à ce qu’aucun conflit d’intérêt n’entache cet audit en faisant signer un engagement à chaque membre du jury constitué des membres de la commission informatique et de la commission téléradiologie de la FNMR.

Sur un plan pratique, l’audit proprement dit a repris, en l’adaptant à cette thématique nouvelle, les grands principes de la méthodologie déjà éprouvée lors des études précédentes, à savoir :

  • Avant présentation, remplissage de grilles de renseignements élaborées par la FNMR concernant la société, les outils utilisés, les services proposés, les modèles organisationnel et financier, et envoi des modèles de convention qui lient le téléradiologue à la société d’une part, la société au service demandeur d’autre part et/ou celle entre le service demandeur et le téléradiologue lorsqu’il contractualise directement avec l’établissement (l’architecture de contractualisation varie d’une société à l’autre). Force est de constater que les réponses des sociétés aux grilles de renseignements, seules publiées dans cette revue, purement déclaratives et faites sous leur responsabilité, sont parfois en contradiction avec les conventions. Nous avons fait le choix, toujours contestable, de ne pas publier les conventions, d’autant que certaines d’entre-elles comportent des clauses de confidentialité qui aurait pu être juridiquement opposables et dont la publication aurait été un motif de refus à la participation des sociétés à cet audit. À l’usage purement interne à la FNMR dans le cadre de cet audit, elles nous ont par contre été très utiles en amont afin de guider les auditions, et en aval dans le cadre de notre évaluation.

Si vous êtes tenté d’intégrer comme téléradiologue effecteur une société de téléradiologie, vous devez donc absolument lire en détail le contenu des conventions.

  • Présentation faite par des représentants des sociétés dans les locaux de la FNMR, assorties d’une démonstration « live » de la solution technique proposée (la FNMR mettait à disposition une connexion internet adaptée). Le débriefing a été guidé par une grille d’évaluation préétablie. Cette grille, là encore à usage purement interne à la FNMR, avait pour objectif de structurer les différentes problématiques soulevées ; le résultat final s’est avéré extrêmement fidèle au ressenti global du jury.
  • Rédaction et synthèse des avis par le consultant informatique de la FNMR (après réécoute des auditions, là encore à usage strictement interne, afin de reproduire le plus fidèlement possible les informations recueillies) et validation par le jury. Envoyés aux sociétés auditées avant publication, résistant là encore à toute pression en provenance des sociétés, seules les remarques sur d’éventuelles erreurs factuelles ont été prises en compte.

Nous avons cherché comme d’habitude à vous présenter cet audit avec le plus d’objectivité et de transparence possibles. Jamais depuis que nous travaillons en commission informatique de la FNMR (audits RIS PACS SA et article sur la reconnaissance vocale) nous n’avons subi autant de pressions de la part des sociétés concernées surtout au regard de leur nombre (merci les abonnements net et mobile illimités). Au risque d’être « persona non grata » vis-à-vis de ces sociétés ou certaines d’entre elles, les avis rendus sont ceux unanimes du jury, avec l’appui inconditionnel du président de la FNMR Jean-Philippe Masson. Les sociétés, nous l’espérons, le comprendrons car, au final, il n’est pas question de stigmatiser l’une ou l’autre, mais simplement de mettre à jour l’état actuel des solutions disponibles et d’apporter notre modeste contribution à l’amélioration des pratiques.

Nul doute vu le contexte démographique que la téléradiographie constituera à plus ou moins long terme un de nos modes d’exercice habituel, que ce soit pour la PDS3 ou en programmé, parfois au même titre qu’une vacation d’échographie, de scanner ou d’IRM, et pas seulement « à la sauvette » entre deux examens d’une vacation habituelle.

Nous invitons néanmoins chaque radiologue qui lira cette revue, qui participe en tant que téléradiologue ou serait tenté un jour de travailleur avec de l’une ou l’autre de ces sociétés, à s’interroger, au-delà de l’intérêt personnel qu’il pourrait retirer de cette activité soit pour « faire du business » ou « rentabiliser son temps libre », sur le danger collectif potentiel que constitue certains modes opérationnels ou financiers qui dévalorisent l’acte radiologique et donc la profession. Heureusement, certaines sociétés ont été créées par des radiologues libéraux et respectueux de tout ou partie des principes que nous défendons.

Il convient donc de se poser les bonnes questions : le service que le médecin radiologue rends au patient est-il à la hauteur de ce qu’il apporte en présentiel ? Pourquoi les organismes payeurs continueraient-t-ils à rémunérer comme aujourd’hui un acte de radiologie présentiel alors nous acceptons une rémunération inférieure à celle de la CCAM en téléradiologie ? Comment allons-nous recruter de nouveaux associés s’ils veulent s’installer à temps partiel afin de pratiquer quand bon leur semble de la téléradiologie en dehors de ma structure ? Ne sommes-nous pas en train de cautionner une véritable ubérisation de la radiologie au profit de certains ? À l’aune de l’intelligence artificielle et des big-datas, quel rôle restera au radiologue de terrain si ce type de téléradiologie déconnectée du patient prend une place dominante au profit de sociétés gouvernées par des non-radiologues ? Le radiologue ne serait-il pas, tel l’arroseur arrosé, la première victime de la téléradiologie, et le patient le dindon de la farce ? Nous n’avons bien sûr pas la réponse à toutes ces questions, aucune certitude mais bien des doutes (« Le doute est un hommage que l’on rend à la vérité. » Ernest Renan), mais nous espérons que cette revue vous aidera à vous faire une première idée et à forger votre propre opinion.

Enfin, nous tenons tout particulièrement à remercier les membres du jury venus de divers horizons en France et qui ont consacré du temps à cet audit, notre référent informatique, et le personnel de la FNMR sans qui cette Revue ne pourrait exister.

Bonne lecture !

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