Voilà quelques années que j’ai rompu avec l’alternance entre RIS et PACS pour les audits que la commission informatique de la FNMR organise depuis 2006 : en 2015 avec une étude innovante sur les serveurs d’applications, en 2016 sur les systèmes RIS-PACS nativement intégrés, et l’an passé par la première analyse 1 de l’offre de téléradiologie commerciale sur le territoire français qui a fait grand bruit et qui fut source d’inspiration pour la rédaction de la nouvelle charte de téléradiologie du Conseil National Professionnel de la Radiologie (G4). Cette année, l’évolution du marché étant continue, comme en 2017 pour les PACS, il m’a semblé nécessaire de revenir aux sources de nos outils informatiques, à savoir le grand chef d’orchestre qu‘est le Système d’Information Radiologique (SIR) dont le dernier audit remontait à 2014.

Dr Jean-Christophe Delesalle
Responsable de la Commission informatique de la FNMR

Cet audit a été publié dans la revue « Le Médecin Radiologue de France » N° 426 - juillet 2019

Notons au passage le hold-up linguistique des acronymes anglo-saxons qui nous fait parler d’un RIS2 et non d’un SIR, d’un PACS3 et non d’un SAPI4 - terme depuis longtemps tombé dans les oubliettes. C’est donc avec une certaine réserve que je cède à cette fâcheuse terminologie rentrée dans les mœurs, l’essentiel étant de parler un langage commun.

Pourquoi le RIS est-il le chef d’orchestre, le grand ordonnateur, la tour de contrôle, le cœur du réacteur et je passe d’autres métaphores ? Parce que c’est le point d’entrée de toute prise en charge informatisée du patient dans la structure d’imagerie. C’est en effet dans la grande majorité des cas le RIS qui fournit lors de sa première venue l’identifiant permanent du patient (IPP) propre à chaque structure et renseignant ses données administratives, et auquel seront rattachés des numéros d’identifiant propres à chacune de ses venues. Dans certains cas, cet IPP pourra être fourni en amont via les normes HL7 par les SIH5 pour les patients hospitalisés, à terme lorsqu’il sera opérationnel par l’Identifiant National de Santé - véritable serpent de mer prévu dans le Code de la santé publique depuis 2007 - ou par un serveur d’identité, solution technique très onéreuse à l‘échelle d’une structure d’imagerie, mais qui peut être utilisée à l’échelon d’un département ou d’une région de le cadre d’un espace numérique de santé comme cela est en train de se mettre en place dans certaines régions sous l’égide des Agences Régionales de Santé. C’est ce numéro d’identification patient qui servira à alimenter en aval les listes de travail des systèmes (modalités d’imagerie, PACS, serveurs d’applications), le DMP6, le PMSI7 etc.

C’est aussi le RIS qui va piloter tous les modules intégrés ou annexés au RIS qui touchent aux rendez-vous, à l’enregistrement des demandes d’examens des correspondants, à l’édition des ordonnances délivrées par les radiologues, à l’historique des patients, à l’accès automatisé préalable aux antériorités images à partir du PACS (préfetching), à la traçabilité des produits administrés, aux comptes-rendus, à la cotation et à la facturation y compris des forfaits techniques et des dépassements d’honoraires, à la gestion des ressources humaines disponibles, à la gestion des stocks, aux statistiques, à la dosimétrie, aux enquêtes de satisfaction, au management de la qualité, aux prévisionnels d’acticité, etc. L’audit proprement dit a repris en améliorant encore cette année la méthodologie déjà éprouvée lors des études précédentes, à savoir :

  • Envoi d’une fiche de renseignements aux éditeurs avant présentation (réponses déclaratives sous leur responsabilité que vous retrouverez dans la revue) concernant la société, les produits et les services.
  • Demande d’un devis théorique sur une configuration type de structure radiologique (voir encadré) qui nous permet d’appréhender leur politique tarifaire, hors négociation bien sûr. Certains se sont permis de nous proposer des tarifs hors taxes (à 20% la TVA ça fait mal), d’autres des devis d’une extrême complexité à déchiffrer obligeant à refaire des calculs pour obtenir une tarification globale, d’autres des estimations à la louche, d’autres nous ont adressé leurs tarifs a posteriori devant notre insistance lors de l’audition pour les obtenir, ce qui dans tous les cas n’est pas admissible. Nous nous sommes engagés à ne pas diffuser cette information afin de respecter la confidentialité des données transmises.
  • Présentation elle-même faite par des représentants (dirigeants, techniciens et/ou commerciaux) des éditeurs dans les locaux de la FNMR, d’une durée imposée d’une heure pour chacun, face à un jury composé de radiologues libéraux dont de nouveaux participants cette année, de trois informaticiens, et c’est nouveau aussi, d’une secrétaire de gestion au fait du parcours patient de l’accueil à la gestion finale des dossiers. Chaque audition a été suivie d’un débriefing (désolé pour l’anglicisme) sur la base d’une grille d’évaluation préétablie comportant différents critères pondérés selon leur importance, en précisant les points positifs et négatifs de chacun, puis un débriefing final d’ajustement à la fin de toutes les auditions. Parmi les critères pondérés d’évaluation figuraient le respect de la procédure et des délais impartis (pas toujours facile avec certains éditeurs), l’ergonomie qui va d’un extrême classicisme à des évolutions originales et/ ou pertinentes, et surtout la richesse des fonctionnalités encore très variable d’un éditeur à l’autre, et le rapport qualité/prix vu des écarts de prix parfois conséquents.
  • Rédaction et synthèse des rapports par le consultant informatique de la FNMR et moi-même, puis validation par le jury. Comme chaque année, tous les constructeurs potentiels ont été contactés individuellement. Sur la base de nos critères d’éligibilité (nombre minimal de sites libéraux installés dans la version présentée et mode web distant obligatoire) et compte-tenu d’un effet de concentration et de rachat de RIS existants8, l’intégralité des acteurs présents sur le marché français ont répondu présents, ce qui prouve au passage la légitimité et la portée de nos audits. Nous avons cherché comme d’habitude à vous présenter cet audit avec le plus d’objectivité et de transparence possibles, les éditeurs ayant acquis la notion qu’il n’est jamais question dans notre esprit de stigmatiser qui que ce soit.

Comme dénominateur commun, je retiens les points suivants :

  • La notion de site d’installation au sens géographique du terme, versus structure comme entité juridique pouvant regrouper plusieurs sites, et leur répartition public/privé ou mixte (GIE et GCS) est enfin définitivement acquise et contrecarre la fâcheuse tendance qu’avaient certains éditeurs d’en faire l’amalgame afin de se valoriser.
  • Est acquis définitivement aussi notre demande auprès des éditeurs du caractère absolument obligatoire d’une présentation net « en live et anonymisé » sous peine de ne pas les retenir (la FNMR mettait à leur disposition une connexion intranet adaptée). Nous estimons en effet que ces systèmes doivent être accessibles de n’importe où (téléradiologie, astreintes, télétravail, etc.).
  • L’offre s’adapte à tous types de structures quels que soit leur taille et le nombre de sites gérés.
  • Les fonctionnalités présentées ont nettement progressé depuis 2014 et répondent de mieux en mieux à la demande radiologique. Soit elles ont été développées en interne par les éditeurs, soit elles font appel à des partenariats avec des prestataires spécialisés :
    • Gestion des cartes vitales (type Pyxvital ou autres).
    • ADRI9 qui permet le contrôle en temps réel des droits des patients à fin de facturation (voir article de Stéphane Thiroux dans ce numéro).
    • Rapprochement bancaire (solution classique via les fichiers normalisés CFONB et le protocole EBICS ; ou solution tierce de type Icanopée).
    • Reconnaissance vocale (Nuance, Recognosco ou solution propre).
    • Prises de rendez-vous (Doctolib, KelDoc, etc., ou solution propre intégrée au site net du cabinet)
    • Ressources humaines en planification et pointage (Momentum, Octime, Bodetsoftware).
    • Dosimétrie (en propre ou via l’intégration avec des DACS10).
    • Borne d’accueil et écrans en salles d’attente (solution propre ou de type WiiS).
    • SENOLOG V2 est toujours implanté, à l’inverse d’EPIFRI quasi absent de l’offre (un seul éditeur).
    • DMP.

Concernant ce dernier point, à ce jour, si certains éditeurs ont obtenu leur agrément V1 auprès de l’ASIP Santé11, deux seulement l’ont rendu opérationnel. La norme V2 pour les enfants et ayants droits n’est qu’en cours de développement, aucun n’ayant encore obtenu son agrément. En théorie, un module DMP doit comporter pour être complet les trois fonctionnalités création, visualisation et alimentation. Les radiologues sont surtout concernés par ces deux dernières, principalement celle de l’intégration du compte-rendu radiologique. Le DMP, dont le principe a été initié en 200412, a connu un regain de vitalité depuis sa reprise en main par la CNAM13. Il fait d’ores et déjà partie des critères du forfait structure 2018 du ROSP14 mais avec des tolérances accordées le temps de son déploiement. Par ailleurs, un sénateur lors de l’examen du projet de loi de santé en cours, avait déposé un amendement pour rendre obligatoire l’intégration du DMP dans les logiciels métiers et son utilisation. En charge du dossier auprès de la CNAM, j’ai donc tenu le même discours auprès de tous les éditeurs : dans la mesure où le DMP est et sera à plus ou moins court terme du domaine réglementaire, au même titre que les évolutions de la CCAM15, il n’est pas question de le facturer aux radiologues qui supportent un contrat de maintenance et d’évolutivité logicielle. Tous les éditeurs ont entendu ce discours et s’y sont engagés, à l’exception notoire d’un seul qui le facture à prix fort, ce que la FNMR dénonce vivement.

Par ailleurs, sur un plan fonctionnel, je leur ai demandé à ce que l’action d’alimentation du DMP n’engendre pas d’action supplémentaire dans le RIS, de telle sorte qu’une fois validé par le radiologue, le compte-rendu soit envoyé par lots différés synchrones aux messageries sécurisées ou aux lots de FSE16. Les conditions techniques de cette fonctionnalité ne sont pas encore réunies pour des raisons de certificats d’authentifications qui pour l’instant ne sont délivrés par l’ASIP Santé qu’aux établissements de santé et non aux cabinets de ville.

Comme on le voit, une grande tendance est de s’orienter vers des offres de base intégrant les obligations réglementaires, à laquelle se rajoutent des services optionnels « à la carte ».

Sur un plan architectural, si l’offre en mode serveur local reste encore majoritaire voire exclusive chez certains éditeurs, l’offre « cloud » en mode SaaS17 qui était balbutiante en 2014 est devenue mature. Cette dernière permet d’externaliser la complexité des process vers des professionnels de l’informatique qui endossent alors un engagement de continuité de services et de protection de données en redéfinissant les rôles et les responsabilités de chacun. Par contre, bonjour la facture à la clef (de 54 à 73% supplémentaires sur dix ans vis-à-vis du mode serveur pour les trois auditeurs qui proposent cette offre)! Frédéric Lefebvre s’est penché sur les avantages/inconvénients de cette architecture dans ce numéro.

Il n’en demeure pas moins qu’il reste bien sûr toujours indispensable, au-delà de cette présentation, de vous faire votre propre idée auprès des constructeurs au travers de contacts directs et de démonstrations, chaque configuration devant s’adapter à un environnement géographique et organisationnel donné. Je me permets donc de vous donner deux conseils :

  • refusez toute présentation sur serveur qui ne serait pas « en ligne et en connexion directe », si tant est que vous puissiez leur offrir une connexion internet satisfaisante (ou 4G à partir d’une connexion partagée sur smartphone si vous disposez de cette couverture, également efficiente comme nous l’ont démontré certains éditeurs). La plupart du temps, ils se connecteront à leur serveur de démonstration (un seul éditeur s’est connecté lors de sa présentation sur un site de production réel, en violation donc du RGPD18).
  • définir un cahier des charges précis que vous ferez signer par l’éditeur retenu.

Enfin, je tiens tout particulièrement à remercier les membres du jury venus de divers horizons géographiques et qui ont consacré du temps à cet audit (deux journées complètes sur place), notre consultant informatique, et le personnel de la FNMR sans qui cette Revue ne pourrait exister.

Bonne lecture !

FNMR – Audit RIS – 2019 | 38 pages

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